Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Des idées de Bonnes Actions Écologiques
9 février 2007

Horreur tropicale: dans 15 ans, plus aucun arbre à Madagascar

La forêt se volatilise à un rythme effrené. Si rien n'est fait, disent les experts, dans 15 ans les arbres auront totalement disparu de l'île, et avec eux des espèces végétales uniques.

Dans cet État insulaire situé à 400 km des côtes du Mozambique, ce n’est pas d’«erreur boréale» qu’il est question, mais d’«horreur tropicale». La Grande Île, comme on surnomme le pays, a déjà perdu plus des trois quarts de sa forêt. Chaque année, 3 000 km2 de ce qui en reste disparaissent. C’est trois fois le lac Saint-Jean. Si rien n’est fait, estiment des scientifiques malgaches, la forêt aura été éliminée de l’île d’ici 15 ans. Et avec elle, des espèces végétales qu’on ne trouve nulle part ailleurs au monde.

«Au même titre que l’Amazonie est le poumon de la planète, Madagascar en est le réservoir de molécules», dit le biologiste Mondher El Jaziri, de l’Université Libre de Bruxelles, qui s’intéresse à la conservation de la nature malgache. Les molécules en question sont à la base de médicaments en usage partout sur la planète. Certains composants chimiques de la pervenche de Madagascar, par exemple, jouent un rôle de premier plan dans la lutte contre la leucémie, les cancers du sein et du poumon, la tachycardie et l’insuffisance cardiaque.

«La déforestation met en péril la découverte des médicaments de demain, ajoute Mondher El Jaziri. Qui nous dit que le remède contre une prochaine pandémie n’est pas en train de disparaître?»

Au moins 7 700 des 12 000 espèces végétales recensées dans l’île auraient, à des degrés divers, des propriétés médicinales. Le botaniste Armand Rakotozafy, retraité de l’enseignement supérieur et petit-fils d’une mpitsabo (guérisseuse), en est un ardent promoteur. Ce septuagénaire aux yeux rieurs travaille pour l’Institut malgache de recherches appliquées (IMRA), premier centre de recherche de Madagascar, en compagnie d’une cinquantaine de scientifiques qui étudient entre autres les propriétés médicinales des plantes. À l’IMRA, les Malgaches peuvent aussi consulter gratuitement un médecin.

Dans la forêt d’Anjozorobe, vestige de la forêt du haut plateau central de la province d’Antananarivo, des chercheurs de l’IMRA et moi marchons d’un pas hésitant sur un sentier escarpé et boueux, bordé de murailles végétales impénétrables. Armand Rakotozafy, qui a donné son nom à au moins une quinzaine de végétaux — il en a perdu le compte —, parcourt la forêt comme d’autres font leur chemin de croix. Les Je vous salue, Marie en moins. Il s’arrête devant certaines plantes, les contemple quelques secondes, puis en énumère les propriétés médicinales. Le psychotria est efficace contre la toux. L’uapaca, contre les dysfonctions érectiles. Le kalanchoé est un bon anti-inflammatoire. Le Trema orientalis fait des merveilles contre les pellicules. L’harungana apaise les brûlures d’estomac...

«Papa Armand», comme on l’appelle amicalement à l’IMRA, se désole, car derrière les murailles végétales se cache un problème grave. «Il ne reste presque plus rien de la forêt que l’on trouvait ici il y a tout juste une dizaine d’années», dit-il.

Ses collègues lui donnent raison. Et s’inquiètent. D’autant plus que, dans cette région rurale de la Grande Île, on a reboisé exclusivement à l’aide d’eucalyptus et de pins, deux espèces importées de Nouvelle-Zélande et d’Europe dans les années 1960. Une erreur, estiment-ils. L’eucalyptus est vorace et draine le sol de tous ses nutriments. «Il ne laisse rien pour les espèces indigènes», dit Christian Rabemanantsoa, médecin et biologiste à l’IMRA. Le pin acidifie le sol et l’étouffe chaque automne sous un épais tapis d’aiguilles. «Les autres arbres ne parviennent plus à s’imposer», ajoute le biotechnologiste Denis Randriamampionona, chercheur malgache au patronyme «kilométrique», comme on dit là-bas pour s’amuser de la longueur des noms de famille .

Résultat: la forêt indigène d’Anjozorobe est en ruine. «À l’heure actuelle, nous en sommes réduits à tenter de préserver les lambeaux qui restent», déplore Christian Rabemanantsoa.

Claudine Ramiarison, directrice générale du Service d’appui à la gestion de l’environnement (SAGE), un organisme gouvernemental, refuse toutefois d’empêcher le recours aux espèces exotiques. «Nous avons presque atteint le point de non-retour, dit cette femme élégante dont le visage rappelle celui des modèles de Gauguin. La désertification causée par le déboisement gagne du terrain, surtout dans le sud du pays. On n’a pas le choix: il faut reboiser avec des espèces à croissance rapide. En cela, l’eucalyptus est idéal.» Il atteint en huit ans la hauteur que le palissandre — une espèce indigène — met un demi-siècle à atteindre.

Publié dans l'Actualité de Janvier 2007.

Le colosse a fini par s’effondrer. Au beau milieu de la chaussée. Ses bourreaux, pieds nus et torse luisant de sueur, se sont aussitôt rués sur lui et l’ont achevé à grands coups de hache. En une heure, l’eucalyptus de 60 m a été abattu, débité et jeté dans le fossé. L’île de Madagascar venait de perdre un arbre. Un de plus.

Les 15 bûcherons ont sévi sur 10 km de la route nationale 7, axe reliant Antananarivo, la capitale du pays, et Fianarantsoa, pôle économique situé à une centaine de kilomètres plus au sud. Ce jour-là, une dizaine d’eucalyptus, au tronc gris et vert, ont été coupés. Seuls indices de l’abattage: les branchages et les feuilles odorantes broyés sous les roues des voitures et des camions. Les arbres, eux, deviendront soit du bois d’œuvre, soit du charbon de bois.

Madagascar, quatrième île du monde avec ses 587 000 km2 — 100 fois la superficie de l’Île-du-Prince-Édouard —, perd son couvert forestier à un rythme effréné. L’Institut de recherche pour le développement, organisme français dont le programme scientifique étudie notamment les relations entre l’homme et l’environnement, estime que la déforestation y est «l’une des plus alarmantes dans le monde tropical».

Publicité
Commentaires
Des idées de Bonnes Actions Écologiques
  • Partager les petites idées et les grands projets qui retiennent notre attention en matière d'attitude écologique, d'amélioration de l'environnement et de développement durable et de dénoncer les mauvais comportements individuels ou collectifs. Le réchauffe
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Derniers commentaires
Publicité